Loi sur l’eau au cameroun Loi n° 98/005 du 14 Avril 1998 portant régime de l’eau
REPUBLIQUE DU CAMEROUN
Paix – Travail – Patrie
Loi sur l’eau au cameroun Loi n° 98/005 du 14 Avril 1998 portant régime de l’eau
L’Assemblée Nationale a délibéré et adopté,
Le Président de la République a promulgué la loi dont la teneur suit:
TITRE PREMIER
DES DISPOSITIONS GENERALES
Article 1 : La présente loi fixe, dans le respect des principes de gestion de l’environnement et de protection de la s-anté publique le cadre, juridique général du régime de l’eau.
Article 2 :
(1) L’eau est un bien du patrimoine national dont l’Etat assure la protection et la gestion et en facilite l’accès à tous.
(2) Toutefois, l’Etat peut transférer toute ou partie de ces prérogatives aux Collectivités Territoriales Décentralisées.
(3) Les gestion de l’eau peut en outre faire l’objet de concessions ou d’affermages suivant les modalités fixées par un Décret d’application de la présente loi.
Article 3 : Aux termes de la présente loi, il faut entendre par :
- Eaux de surface : les eaux de ruissellement, les cours d’eau et les eaux stagnantes ;
- Eaux souterraines : les eaux d’infiltration et des nappes ;
- Eaux de source : les eaux proposées dans le commerce pour l’alimentation humaine, minéralisée ou non, gazeuse ou non sans qu’il soit fait état de leur qualité thérapeutique ;
- Eaux minérales : les eaux souterraines contenant des substances minérales dissoutes ayant une action thérapeutique.
TITRE II
DE LA PROTECTION DES EAUX
Article 4 :
(1) Sont interdits les déversements, écoulements, jets, infiltrations, enfouissements, épandages, dépôts directs ou indirects dans les eaux de toute matière solide, liquide ou gazeuse et en particulier, des déchets industriels, agricoles et atomiques susceptibles :
– d’altérer la qualité des eaux de surface ou souterraines, ou des eaux de la mer dans les limites territoriales ;
– de porter atteinte à la santé publique ainsi qu’à la faune et à la flore aquatiques ou sous-marines ;
– de mettre en cause le développement économique et touristique des régions.
(2) Toutefois, le Ministre chargé de l’Eau peut, après enquête et avis des autres Administrations concernées, autoriser et réglementer les déversements visés ci-dessus, dans le cas où ceux-ci garantissent l’innocuité et l’absence des nuisances compte tenu des caractéristiques de l’effluent et du milieu récepteur.
(3) L’autorisation accordée peut être modifiée ou retirée soit à la demande du titulaire ou des tiers intéressés, soit à l’initiative de l’Administrations soit de plein droit dans les cas prévus par l’acte d’autorisation.
Article 5 :
(1) Un Décret d’application de la présente loi fixe, sur rapport conjoint des Administrations compétentes, la liste des substances nocives ou dangereuses dont le rejet, le déversement, le dépôt, l’immersion ou l’introduction de manière directe ou indirecte dans les eaux sont soit interdits soit soumis à autorisation préalable desdites Administrations.
(2) Les déversements d’eau résiduaire dans le réseau d’assainissement public ne doit nuire, ni à la conservation des ouvrages, ni à la gestion des eaux.
(3) Les installations de déversement établis antérieurement à la promulgation de la présente loi doivent se conformer à la réglementation dans un délai fixé par un décret d’application de ladite loi.
(4) Les installations établies postérieurement à la date de promulgation de la présente doivent dès leur mise en fonctionnement, être conformes aux normes de rejet fixées par la réglementation en vigueur.
Article 6 :
(1) Toute personne physique ou morale, propriétaire d’installation susceptible d’entraîner la pollution des eaux doit prendre toutes les mesures nécessaires pour limiter ou en supprimer les effets.
(2) Toute personne qui produit ou détient les déchets doit en assurer elle-même l’élimination ou le recyclage, ou les faire éliminer ou les faire recycler dans les installations agréées par l’Administration chargée des établissements classés après avis obligatoire de l’Administration chargée de l’Environnement.
Elle est, en outre, sous réserve des règles liées à la confidentialité, tenue d’informer le public sur les effets de la pollution. La détention, l’élimination ou le recyclage des déchets sur l’eau, l’environnement et la santé publique, ainsi que sur les mesures destinées à en prévenir ou à compenser les effets préjudiciables.
(3) Sont, en outre, interdits, le nettoyage et l’entretien des véhicules à moteur, des machines à combustion interne et d’autres engins similaires à proximité des eaux.
Article 7 :
(1) En vue de protéger la qualité de l’eau destinée à l’alimentation, il est institué un périmètre de protection autour des points de captage, de traitement et de stockage des eaux.
(2) Les terrains compris dans les périmètres de protection sont déclarés d’utilité publique.
Article 8 :
(1) Une taxe d’assainissement est perçue par L’Etat sur les personnes physiques ou morales propriétaires d’installations raccordées aux réseaux d’égouts publics ou privés de collecte et de traitement des eaux usées.
(2) Le taux et les modalités de recouvrement de la taxe prévue à l’alinéa ci-dessus sont fixés par la loi des Finances.
Article 9 :
(1) Le ministre chargé de l’Eau peut, sur proposition de l’autorité administrative territorialement compétente, interdire le captage des eaux de surface pour l’un des motifs dûment constatés ci-après :
a) risque de tarissement du cours d’eau ;
b) pollution évidente du cours d’eau ;
c) risque pour la santé publique ;
d) cause d’utilité publique.
(2) Les dispositions de l’alinéa ci-dessus s’appliquent également en matière de puisage et de captage d’eau dans une nappe souterraine.
TITRE III
DE L’EXPLOITATION DES EAUX
Chapitre 1
De l’exploitation des eaux de surface et des eaux souterraines
Article 10 :
(1) Les prélèvements des eaux de surface ou souterraines à des fins industrielles et commerciales sont soumis à l’autorisation préalable et au payement d’une redevance dont le taux, l’assiette et le mode de recouvrement sont fixés par la loi des finances.
(2) Toutefois, les sociétés concessionnaires d’un service public d’exploitation et de distribution d’eau potable sont exemptées.
(3) Sans préjudice des dispositions de l’alinéa ci-dessus, tout prélèvement des eaux des surface ou des eaux souterraines à des fins industrielles et commerciales doit être précédé d’une étude d’impacts permettant d’évaluer l’incidence directe ou indirecte du prélèvement envisagé sur l’équilibre écologique de la zone concernée ou de toute autre région, le cadre et la qualité de vie des populations ainsi que sur l’environnement en général.
(4) un Décret d’application du présent article en précise les modalités.
Article 11 :
(1) Toute personne qui offre de l’eau en vue de l’alimentation humaine ou morale, à titre onéreux ou à titre gratuit sous quelque forme que ce soit, est tenue de s’assurer de la conformité de la qualité de cette eau aux normes en vigueur.
(2) Les dispositions de l’alinéa ci-dessus s’appliquent également à toute personne qui fait usage, en l’absence d’une distribution publique d’eau potable, des puits particuliers, des citernes destinées à stocker de l’eau ou des sources captées.
(3) Les produits de traitement de l’eau de boisson doivent être conformes aux normes en vigueur.
(4) Les filières de traitement de l’eau de boisson sont approuvées par l‘Administration chargée de l’Eau.
Article 12 : Le contrôle de la qualité des eaux de consommation est assurés, à tout moment, par le personnel des Administrations chargées respectivement de l’Eau et de la Santé Publique, assermentés et commissionnés à cet effet.
Chapitre 2
De l’exploitation des eaux de source et des eaux minérales
Article 13 : L’exploitation des eaux de source et des eaux minérales est régie par une loi particulière.
TITRE IV
DE LA RESPONSABILITE ET DES SANCTIONS
Chapitre 1
De la responsabilité
Article 14 : Sans préjudice des peines applicables sur le plan de la responsabilité pénale et nonobstant les vérifications effectuées par les Administrations chargées du contrôle, est responsable civilement, sans qu’il soit besoin de prouver une faute, toute personne qui a causé un dommage corporel ou matériel résultant de la mauvaise qualité des eaux d’alimentation qu’elle distribue.
Chapitre 2
Des sanctions pénales
Article 15 :
(1) Est puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de 5 000 000 à 10 000 000 de FCFA ou de l’une de ces deux peines seulement, toute personne qui :
– réalise un prélèvement des eaux de surface ou souterraines en violation des dispositions de la présente loi ou de ses textes d’application ;
– réalise un prélèvement des eaux de surface ou des eaux souterraines non conforme aux critères, normes et mesures énoncées par l’étude d’impact ;
– empêche l’accomplissement des contrôles, surveillance et analyses prévus par la présente loi et/ou de ses textes d’application ;
– offre de l’eau de boisson au public sans se conformer aux normes de qualité en vigueur ;
– viole un périmètre de protection autour des points de captage, de traitement et de stockage des eaux.
(2) En cas de récidive le coupable encoure le double du maximum des peines prévues à l’alinéa ci-dessus.
Article 16 :
(1) Est puni d’un emprisonnement de 5 à 15 ans et d’une amende de 10 à 20 millions de FCFA toute personne qui pollue et alterne la qualité des eaux.
(2) En cas de récidive, le coupable encoure le double du maximum des peines prévues à l’alinéa ci-dessus.
Article 17 : Les sanctions prévues par la présente loi sont complétées par celle contenues dans le code pénal ainsi que dans la législation relative à la protection de l’environnement.
Article 18 : Les dispositions des articles 54 et 90 du code pénal relatives au sursis et aux circonstances atténuantes ne sont pas applicables aux sanctions prévues par la présente loi.
Chapitre 3
De la constatation des infractions
Article 19 :
(1) Sans préjudice des prérogatives reconnues au Ministère Publie, aux officiers de police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés de l’Administration chargée de l’Eau ou des autres Administrations concernées, notamment de la Santé et de l’Environnement sont chargés de la recherche, de la constatation et des poursuites en répression des infractions aux dispositions de la présente loi et des textes d’application.
(2) Les agents mentionnés à l’alinéa ci-dessus prêtent serment devant le tribunal compétent, la requête de l’Administration intéressée suivant les modalités fixées par un Décret d’application de la présente loi.
(3) Dans l’exercice de leur fonction, les agents assermentés sont tenus de se munir de leur carte professionnelle.
Article 20 :
(1) Toute infraction constatée fait l’objet d’un procès-verbal.
(2) La recherche et la constatation des infractions sont effectuées par des agents qui consignent le procès-verbal. Ce procès-verbal fait foi jusqu’à l’inscription en faux.
Article 21 :
(1) Tout procès-verbal de constatation d’infraction doit être transmis immédiatement à l’Administration chargée de l’Eau qui fait notifier au contrevenant. Celui-ci dispose d’un délai de 20 jours à compter de cette notification pour contester le procès-verbal. Passé ce délai, toute contestation devient irrecevable.
(2) En cas de contestation dans les délais prévus à l’alinéa du présent article, la réclamation est examinée par l’Administration chargée de l’Eau.
Si la contestation est fondée, le procès-verbal est classé sans suite.
Dans le cas contraire, et à défaut de transactions ou d’arbitrage définitifs, l’Administration chargée de l’Eau procède à des poursuites judiciaires conformément à la législation en vigueur.
Chapitre 4
Des transactions et de l’arbitrage
Article 22 :
(1) L’Administration chargée de l’Eau a plein pouvoir pour transiger. Elle doit, pour ce faire, être dûment saisie par l’auteur de l’infraction.
(2) Le montant de la transaction est fixé en concertation avec l’Administration chargée des Finances. Ce montant ne peut être inférieur au minimum de l’amende pénale correspondante.
(3) La procédure de transaction ne doit être antérieure à toute procédure judiciaire éventuelle sous peine de nullité.
(4) Le produit de la transaction est intégralement versé au Fonds prévus par la présente loi.
Article 23 : Les parties à un différend relatif à la gestion de l’Eau peuvent les régler d’un commun accord paf voie d’arbitrage.
Article 24 :
(1) Les autorités traditionnelles ont compétence pour régler les litiges liés à l’utilisation des ressources en eau sur la base des us et coutumes locaux, sans préjudice du droit des parties aux litiges d’en saisir les tribunaux compétents.
(2) Il est dressé un procès-verbal du règlement du litige. Une copie de ce procès-verbal dûment signée par l’autorité traditionnelle, par les parties au litige ou leurs représentants est déposée auprès de l’Autorité administrative du ressort territorial de la communauté villageoise où a lieu le Litiges
TITRE V
DES DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES
Article 25 :
(1) En vue de garantir le financement des projets de développement durable en matière d’eau et d’assainissement, la Loi des Finances fixe annuellement les ressources particulières devant alimenter un Compte d’Affectation Spéciale créé à cet effet par Décret présidentiel, conformément aux dispositions des articles 39 et 41 de l’ordonnance 62/OF/4 du 7 Février 1962 relative au régime financier de l’Etat. Ce Décret détermine notamment la modalité de gestion du Compte sus-visé.
(2) Le Compte d’Affectation Spéciale prévue à l’alinéa ci-dessus peut également recevoir le cas échéant :
1- des contributions des donateurs internationaux ;
2- toute autre contribution volontaire : des dons et legs.
(3) Les ressources particulières prévues aux alinéas 1 e 2 ci-dessus ne peuvent être affectées à d’autres fins.
Article 26 :
(1) Sans- préjudice des dispositions de la législation relative à la gestion -de l’environnement, il est institué par la présente loi un Comité National de I’Eau.
(2) Les attributions, l’organisation et le fonctionnement du Comité National de, l’Eau sont fixées par un Décret d’application de la présente loi.
Article 27 : Les spécifications relatives à la construction, à l’exploitation et à I’entretien des réseaux et installations publics ou privés d’alimentation en eau d’assainissement sont fixées par un décret d’application de la présente loi.
Article 28 : L’utilisation de l’eau comme moyen de transport est régie par le Code de la Marine Marchande.
Article 29 : Des décrets d’ application de la présente loi en précisent, en tant que de besoin, la modalité.
Article 30 : Sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires, notamment la loi n° 84/013 du 05 Décembre 1984 portant régime de l’eau.
Article 31 : La présente loi sera enregistrée et publiée suivant la procédure d’urgence, puis insérée au Journal Officiel de la République de Cameroun en français et en anglais.
Yaoundé, le 14 Avril 1998
Le Président de la République,
(é) Paul Biya