Sujets corrigés ENAM Cameroun: Culture générale Magistrature 08
Sujets corrigés ENAM Cameroun: Culture générale Magistrature 08 Section Judiciaire
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Sujet:
Les medias sont-til toujours utiles a la democratie ?
A l’heure de la désinformation notoire orchestrée par les medias américains lors du conflit irakien, le combat ordurier mené par écrans interposés entre les partisans de Georges Bush et ceux de John Kerry, et la désolante vérification dans l’ensemble du monde médiatique français de l’assertion désabusée de Marshall Mc Luhan selon laquelle « chacun a droit a son quart d’heure de gloire », les organes de communication, quel que soit support, se trouvent gravement remis en cause, jusque dans leur fondement, internet, dernier apparu, n’est d’ailleurs pas le dernier sujet à caution.
En effet, le combat pour la liberté et l’indépendance de l’information avait semble-t-il abouti à faire des medias contre- pouvoirs garant di fonctionnaire des pouvoirs constitués. Mais cette liberté ainsi obtenue ne saurait extraire le monde médiatique des contingences de la vie démocratique. Aux Etats-Unis Herbert Marcuse avait pressenti le danger du pouvoir médiatique dès les années 60. En France, le débat s’est longtemps articulé sur le dualisme entre les medias publics « officiels » et médias privés, « libres ». Le déclin de la presse écrite et sa restructuration oligopolistique, l’avènement de la télévision majoritairement contrôlée par des groupes privés dépendant par ailleurs de la commande publique dans leurs diverses activités, l’apparition d’internet changent la donne. D’auxiliaires de la démocratie, les médias deviennent des organes au service potentiel d’intérêt déterminés.
Par définition, le médium est l’organe chargé de faire à la fois le lien entre l’actualité issue initialement de l’action du pouvoir politique : tel était l’esprit de la gazette de Théophraste Renaudot en 1631, ou du moniteur Napoléonien et le peuple, et d’éclairer par ses analyses, son expertise, ses enquêtes, tant les choix du public que ceux de ses dirigeants. Le journalisme d’investigation a étendu son influence au pouvoir judiciaire, en révélant un certain nombre d’affaires. L’évolution récente vient-elle remettre en cause l’utilité des médias pour la démocratie ?
La réponse demeure fondamentalement négative ; Cependant les médias sont aujourd’hui exposés à deux risques contradictoires, l’un tiré de leur autonomisation, les menant du contre-pouvoir au pouvoir(I), l’autre de leur pleine appartenance au système démocratique et à son évolution, d’où un danger de régression(II).
I- La sphère médiatique, un contre-pouvoir menacé de devenir pouvoir
Les théories démocratiques modernes reposent sur l’idée de séparation des pouvoirs, et de poids et contrepoids (« checks and balances »). Dans cette optique, les médias ont pleinement leur place en tant que contre-pouvoir (A). Rien par contre ne permet aux médias de se substituer aux pouvoirs constitué, comme la pratique récente semble le montrer. Ils ne sont pas légitimes pour cela et leur pouvoir doit être, contrôlé et limité (B).
A- Un « quatrième pouvoir » garant des trois pouvoirs constitués
Les médias jouent un rôle irremplaçable dans la formation et la diffusion des idées, dans la participation de tous, brefs ils contribuent au bien commun démocratique (1). Leur rôle de contrôleur s’est accentué récemment, avec l’apparition d’un journalisme d’investigation (2).
1) La contribution essentielle des médias à la formation du bien commun démocratique:
Ce rôle, sans doute le plus évident lorsqu’on évoque la fonction démocratique des médias, n’a été rendu possible en France que progressivement, en fonction du support. La liberté de la presse écrite remonte certes à la loi du 25 juillet 1881, et de grands journalistes comme Herbert Beuve-Méry. Pierre Lazareff ou Maurice et Jeanne Maréchal lui ont donné plein effet. Cependant, la radio, et plus encore la télévision ont longtemps été les organes du pouvoir. La liberté de communication a finalement été reconnue par une décision du conseil constitutionnel du 17 janvier 1989, de même que le pluralisme de l’information a été déclaré objectif à valeur constitutionnelle par décision dite « lois Hersant » des 10 et 11 1984, l’autonomisation des médias leur a ainsi permis de jouer pleinement leur rôle.
2) L’intrusion utile des médias dans la sphère judiciaire:
De même que l’autorité judiciaire agit grâce à son indépendance, le monde médiatique, contre-pouvoir autonomisé, a pu développer un journalisme d’investigation, donnant au lecteur de nouveaux éléments jusqu’alors cachés. Ce rôle de contrôle de l’appareil étatique est évidemment frappant lorsqu’elle implique des suites judiciaires. La démocratie
progresse lorsque les turpitudes des gouvernants l’affaire du Rain-bow warior, pour n’en citer qu’une sont portées à la connaissance des gouvernés, dont le vote servira ensuite de jugement.
Le journalisme ne saurait toutes fois se substituer au juge :un contre- pouvoir légitime serait illégitime en tant que pouvoir.des dérives en ce sens tendent malheureusement à se développer au bénéfice d’intérêts bien définis.
B. Un pouvoir illégitime en tant que tel, et nécessaire contrôlé:
Comme tout organe un système démocratique, il faut un contrepoids à son pouvoir, les dirigeants des organes de communication nt en abusé à de nombreuses reprises de leur autonomie(1). Ces limitations existent fort heureusement(2).
1) La défense d’intérêts privés sous couvert de démocratie:
Les livres, TF1, un pouvoir (P.Péan, C. Nick, 1997) et la face cachée du monde (P. Péan, F.cohen, 2003) ont montré quelles étaient les conséquences concrètes du basculement d’un médium d’un statut d’auxiliaire démocratique à celui de strict défenseur des intérêts de ses dirigeants. La transmission de l’information peut être orientée tant par la place accordée à tel évènement que par l’angle éditorial. Le procédé est d’autant plus redoutable qu’il émane de média défendant coute que coute leur image de neutralité.
La récente concentration de plusieurs titres de presse dans les mains du groupe Dassault relève d’une logique encore plus cynique puisque le président Serge Dassault assume publiquement son ingérence éditoriale, au mépris des missions de ses journaux.
2) Le contrôle des médias comme garantie de leur impact sur la vie démocratique:
Fort heureusement, la France s’est dotée d’un arsenal d’outil juridiques destinés à éviter les entorses trop lourdes aux règles démocratiques : le conseil supérieur de l’audiovisuel bien sur, autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect du droit et des libertés fondamentales par les médias, eux-mêmes expressions d’une liberté. Ensuite ? dans le jeu du pouvoir, il convient de rappeler que l’ensemble des organes de communication ? tout indépendants qu’ils soient ?restent soumis au politique et au judiciaire; la chaine Al Manau vient d’en faire l’expérience et que, partant, les atteintes à la démocratie restent limitées.
La question n’est évidemment pas franço-française,et l’on pourrait se demander en quoi les tabloïds anglais ou les chaines de Rupert Murdoch ont un rapport avec l’idée d’utilité démocratique. Force est cependant de reconnaitre qu’en France, les abus d’indépendance, quoique réels, pèsent moins que les apports démocratiques indéniables. Les médis sont réellement ancrés dans le jeu démocratique. Trop ?
II. D’auxiliaire de la démocratie à auxiliaire du pouvoir ?
Tout comme la démocratie elle-meme,les médias n’ont jamais été aussi indispensable(A). cependant, là ou la démocratie, initialement forte, est en crise, ils risquent d’être dévoyés(B).
A. Le rôle indispensable des médias dans l’apparition et le développement mondial la démocratie:
Depuis plusieurs années, est évoquée l’apparition d’une opinion publique mondiale. Concrètement, la démocratie a fait son apparition, pleine ou partielle, dans les Etats très divers, répartis sur l’ensemble du globe : Europe de l’est, Afrique du sud. Ce mouvement n’aurait sans doute pas été possible avec un relais médiatique réduit. Plus encore que la télévision, internet représente un nouvel espace d’expression démocratique à l’échelle mondiale.
Cependant, il convient d’apporter un bémol,. En effet, les adversaires de la démocratie bénéficient eux aussi de l’accès aux médias, et le plus souvent l’instrumentalisent à leur seul profit. Cette remarque est même valable dans les pays démocratiques où interviennent une télévision publique appartenant à l’Etat sans autorité indépendante de contrôle, comme ce fut le cas dans la France des années 60.
B. La crise de la démocratie induit une crise parallèle des médias:
Comme l’analysait récemment Emmanuel Todd dans son essai après l’empire (2004). La démocratie tend à reculer là où elle semblait la plus forte, en particulier aux Etats-Unis. Si l’on croise cette analyse avec celle de Marcel Gauchet, selon laquelle l’autonomie des sociétés moderne vient d’une prise de conscience et de confiance dans son propre destin alors que la religiosité relève de l’hétéronomie sociale(la démocratie contre elle-même, 2003), on reste interdit devant l’évolution de la société américaine. Les médias américains ne sont certes pas tous inféodés au partis dominant, mais tous semble finalement perdre leur fonction démocratique pour se positionner par rapport aux idées et aux actes d’un groupe à l’idéologie dont les sources se placent en dehors du champs démocratique, religion, intérêts privés.
Certains organes ont même appelés à la guerre contre les pays démocratiques ; selon la théorie de Doyle pourtant, les démocraties ne peuvent se faire la guerre entre elles. Le médium a-t-il, de sa propre initiative, quitté le monde démocratique, ou n’est-il que le reflet grimaçant d’une dérive oligarchique des structures étatiques ?
En France, la crise de la démocratie entraine également un dévoiement du fonctionnement des médias, dans les proportions heureusement moins évidentes. Le désaimantèrent collectif pour les scrutins électoraux, forme traditionnelle de l’expression démocratique, constitue à la fois une conséquence mais surtout une cause de l’action des médias. Ceux-ci portent une responsabilités évidente :Pierre Péan, précité, mais aussi Pierre Bourdieu, dans son ouvrage de la télévision(1993) montrent l’étendue de la puissance prescriptrice des organes de communication, de la télévision en particulier, et de dé calorisation ( ?) du message publique direct. Mais l’atonie du champ démocratique français, en contradiction seulement avec les missions mais aussi avec le rythme de fonctionnement des médias, conduit ces derniers à user et abuser de procédés de représentation de l’opinion, tels que les sondages et les micros trottoirs. La «démocratie d’opinion » tant décriée n’est donc pas la résultante de la domination du médiatique sur le politique que le produit d’une faiblesse générale de la vie démocratique.
Mais un constat fatalité ne saurait être de mise. Conscients de leur rôle, 90% des patrons de presse ont sabordé leur journal en 1940. A l’heure actuelle, sauf improbable dictature à l’échelle planétaire, la démocratie et ses valeurs continueront à se propager à travers les médias. Par contre, si le rêve de Francis Fukuyama de fin de l’Histoire par l’établissement de la démocratie dans tous les Etas du monde venait à se réaliser, la mission dévolue aux médias ne cesserait pas. Sans l’animation et la vigilance qu’ils exercent, les démocraties seraient vouées disparaitre.